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La médiation, un nouvel outil juridique

La médiation, un nouvel outil juridique

PUBLIÉ LE 06/02/2019 Par Auteur associé • Club : Club Techni.Cités

3 bonhommes en accord

Les contentieux augmentent dans tous les domaines. Pour essayer de limiter le recours aux tribunaux, se développe une procédure alternative, la médiation, grâce à la loi du 18 novembre 2016 et au décret paru le 16 février 2018, qui prévoit une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges touchant à la gestion du statut et des ressources humaines.

Par Laurent Guyon, directeur administratif et financier d’un Sdis

La gestion des ressources humaines dans la fonction publique, et en particulier la gestion du statut, est de plus en plus technique et source de nombreux contentieux. Selon un rapport du Conseil d’État publié en 2017, chaque année, près de 200 000 requêtes sont formées auprès des tribunaux administratifs et près de 30 000 recours en cours administratives d’appel. Les contentieux liés à la gestion du personnel représentent environ 10 % du total.

Le volume des requêtes déposées entraîne des délais de jugement relativement longs, près de deux ans en moyenne entre le dépôt du recours et la publication du jugement pour les tribunaux administratifs (un an et huit mois en moyenne en 2016) comme pour les tribunaux d’appel (un an et onze mois en moyenne).

Médiation préalable obligatoire

Pour y remédier, la législation a prévu de rendre la médiation préalable obligatoire avant tout dépôt de requête devant un juge administratif pour des contentieux relevant de la gestion des ressources humaines. Cette obligation s’applique à titre expérimental pour deux ans et seulement dans certains départements français.

La médiation peut être définie comme un processus structuré « par lequel plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un médiateur, choisi par elles ou avec leur accord ».

Rôle du médiateur

Le médiateur est une personne neutre et impartiale qui accompagne les parties au cours de leurs discussions. Il ne propose pas de solutions et ne donne pas de conseils. Le médiateur s’efforce de faire émerger les attentes des deux parties, de les concrétiser et de trouver des points de convergence. Ce sont les parties elles-mêmes qui aboutissent à l’accord final. Si l’une des parties n’accepte pas la procédure de médiation ou une partie de la solution proposée, la médiation ne se réalise pas.

L’idée de développer les procédures amiables en matière administrative commence à être ancienne. Le Conseil d’État a publié deux études sur cette problématique en 1993 et 2011 et en a fait le thème principal des États généraux du droit administratif, en juin 2016.

Des dispositifs de médiation existaient déjà au niveau de l’Éducation nationale (médiateur créé en 1998), des ministères économiques et financiers (en 2002), mais aussi en matière d’indemnisation des accidents médicaux.

Dans le domaine administratif, les médiations conduites depuis début 2017 produisent des résultats encourageants. Sur les 353 médiations engagées à cette date, 104 étaient terminées et 65 avaient abouti à un accord (soit 63 %) dans un délai de trois à quatre mois.

Organisation de la médiation

La loi de modernisation de la justice pour le XXIe siècle du 18 novembre 2016 prévoit que, à titre expérimental et pour une durée de quatre ans maximum, les recours contentieux formés par les fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle, doivent faire l’objet d’une médiation préalable obligatoire. Cette médiation concerne notamment les différents éléments touchant à la situation personnelle des fonctionnaires territoriaux tels que certains éléments de la rémunération, les refus de détachement ou de placement en disponibilité, les réintégrations, le classement à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de cadre d’emplois, la formation professionnelle et l’adaptation des postes de travail.

Un décret du 16 février 2018 précise les procédures d’organisation de la médiation et un arrêté du 2 mars 2018 liste les quarante-six départements concernés par cette expérimentation. Pour la fonction publique territoriale, la médiation sera assurée par les centres départementaux de gestion (CDG).

Respect des principes de légalité et de bonne administration

La médiation est pertinente pour toutes les parties prenantes. Les employeurs territoriaux vont régler le plus en amont possible et à un moindre coût certains litiges avec leurs agents, dans le respect des principes de légalité et de bonne administration. Les agents publics peuvent faire valoir leurs droits sans rompre les relations avec leurs employeurs de manière plus souple, plus rapide et moins onéreuse. Enfin, les juridictions administratives vont pouvoir réduire le volume des saisines et en cas d’échec, l’instruction par le juge sera facilitée grâce au travail réalisé en amont.

Dans les départements concernés par l’expérimentation, dans le respect du principe de libre administration des collectivités, seules celles qui le souhaitent, prendront une délibération en vue de conclure une convention avec leur centre départemental de gestion (CDG). Cette mission de conseil juridique est en effet facultative.

Coût de la médiation

La prestation pourra faire l’objet d’une cotisation additionnelle pour les collectivités affiliées ou d’une facturation spécifique pour les collectivités non affiliées. Le tarif intégré dans les conventions est fixé par délibération du conseil d’administration (pour certains CDG le tarif s’établit à 60 euros brut/heure, frais de gestion inclus).

L’expérimentation de la médiation préalable obligatoire est donc applicable uniquement dans les quarante-six départements listés dans l’arrêté et uniquement aux agents publics employés par les collectivités territoriales qui auront fait le choix de confier à leur CDG cette mission de médiation.

L’expérimentation concerne les recours contentieux susceptibles d’être présentés jusqu’au 18 novembre 2020 à l’encontre des décisions individuelles administratives intervenues à partir du 1er avril 2018. Avant la fin de cette expérimentation, en mai 2020, un rapport d’évaluation sera élaboré pour savoir si cette mesure doit être généralisée, adaptée ou abandonnée.

Délai de recours contentieux

En cas de conflit naissant entre un agent et sa collectivité, l’autorité administrative devra informer l’agent de l’obligation de médiation préalable et lui indiquer les coordonnées du médiateur compétent. L’agent devra saisir le médiateur en respectant le délai de recours contentieux de deux mois. Lors de la saisine, l’agent transmettra au médiateur un courrier comportant une copie de la décision lorsque celle-ci est explicite ou une copie de sa demande si la décision est implicite.

En application du code de justice administrative, la saisine du médiateur interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription, qui recommencent à courir à compter de la date à laquelle la médiation est terminée. Il convient, en outre, de noter que l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique intervenant après la médiation n’interrompt pas de nouveau le délai de recours. Enfin, les parties peuvent décider de suspendre ses effets de la décision litigieuse en attendant la fin de la médiation.

Lorsqu’un tribunal administratif est saisi dans les délais d’une requête contre une décision entrant dans le champ d’application de l’expérimentation mais sans recours préalable à la médiation, son président rejette cette requête par ordonnance et transmet le dossier au médiateur compétent.

Rapport d’activité

Chaque année, les médiateurs établissent un rapport d’activité dans lequel ils indiquent le nombre de saisines ayant abouti à une résolution totale ou partielle du litige et le nombre de procédures infructueuses, exposent les éventuelles difficultés rencontrées et font part de leur appréciation sur l’expérimentation en cours. Ce rapport est transmis aux ministres intéressés et au vice-président du Conseil d’État avant le 1er juin de chaque année.

Au-delà de cette expérimentation, la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, prévoit d’élargir le champ de la médiation à tous les différends mettant en cause les administrations et les organismes de sécurité sociale, notamment, entre autres domaines, les relations contractuelles (marchés publics, concessions de services publics, baux, etc.), les difficultés liées à l’application de règlements ou décisions de police administrative, les problématiques d’urbanisme et les questions fiscales quelles qu’elles soient. Au regard de ces différents éléments, nul doute, si les expérimentations en cours se révèlent efficaces, que ces dispositifs de médiation ont de beaux jours devant eux et devraient à l’avenir se développer et concerner de nombreux domaines relevant de la gestion des services techniques.

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